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11 settembre 2018

Arthur Rimbaud - À la musique

Michelangelo Merisi (Caravaggio) - Suonatore di liuto, 1596, olio su tela cm 100 x 126,5.  Hermitage, San Pietroburgo
Arthur Rimbaud -  À la musique

                                Place de la Gare, à Charleville

Sur la place taillée en mesquines pelouses,
Square où tout est correct, les arbres et les fleurs,
Tous les bourgeois poussifs qu'étranglent les chaleurs
Portent, les jeudis soirs, leurs bêtises jalouses.

- L'orchestre militaire, au milieu du jardin,
Balance ses schakos dans la Valse des fifres:
- Autour, aux premiers rangs, parade le gandin;
Le notaire pend à ses breloques à chiffres.

Des rentiers à lorgnons soulignent tous les couacs:
Les gros bureaux bouffis traînent leurs grosses dames
Auprès desquelles vont, officieux cornacs,
Celles dont les volants ont des airs de réclames;

Sur les bancs verts, des clubs d'épiciers retraités
Qui tisonnent le sable avec leur canne à pomme,
Fort sérieusement discutent les traités,
Puis prisent en argent et reprennent: "En somme!..."

Épatant sur son banc les rondeurs de ses reins,
Un bourgeois à boutons clairs, bedaine flamande,
Savoure son onnaing d'où le tabac par brins
Déborde, - vous savez, c'est de la contrebande; -

Le long des gazons verts ricanent les voyous;
Et, rendus amoureux par le chant des trombones,
Très naïfs et fumant des roses, les pioupious
Caressent les bébés pour enjôler les bonnes...

- Moi, je suis, débraillé comme un étudiant,
Sous les marronniers verts les alertes fillettes:
Elles le savent bien et tournent, en riant,
Vers moi, leurs yeux tout pleins de choses indiscrètes.

Je ne dis pas un mot ; je regarde toujours
La chair de leurs cous blancs brodés de mèches folles:
Je suis, sous leur corsage et les frêles atours,
Le dos divin après la courbe des épaules.

J'ai bientôt déniché la bottine, le bas...
- Je reconstruis le corps, brûlé de belles fièvres.
Elles me trouvent drôle et se parlent tout bas...
- Et je sens les baisers qui me viennent aux lèvres...

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