6 ottobre 2014

A Une Passante - Charles Baudelaire

Foto di Maynard Owen Williams, National Geographic
A Une Passante  - Charles Baudelaire

La rue assourdissante autour de moi hurlait.
Longue, mince, en grand deuil, douleur majestueuse,
Une femme passa, d’une main fastueuse
Soulevant, balançant le feston et l’ourlet ;

Agile et noble, avec sa jambe de statue.
Moi, je buvais, crispé comme un extravagant,
Dans son oeil, ciel livide où germe l’ouragan,
La douceur qui fascine et le plaisir qui tue.

Un éclair… puis la nuit ! – Fugitive beauté
Dont le regard m’a fait soudainement renaître,
Ne te verrai-je plus que dans l’éternité ?

Ailleurs, bien loin d’ici ! trop tard ! jamais peut-être !
Car j’ignore où tu fuis, tu ne sais où je vais,
Ô toi que j’eusse aimée, ô toi qui le savais !

§

La via assordante strepitava intorno a me.
Una donna alta, sottile, a lutto, in un dolore
immenso, passò sollevando e agitando
con mano fastosa il pizzo e l’orlo della gonna,

agile e nobile con la sua gamba di statua.
Ed io, proteso come folle, bevevo
la dolcezza affascinante e il piacere che uccide
nel suo occhio, livido cielo dove cova l’uragano.

Un lampo… poi la notte! – Bellezza fuggitiva
dallo sguardo che m’ha fatto subito rinascere,
ti rivedrò solo nell’eternità?

Altrove, assai lontano di qui! Troppo tardi! Forse mai!
Perché ignoro dove fuggi, né tu sai dove vado,
tu che avrei amata, tu che lo sapevi!



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